Section 1 : Comment mesure-t-on la production ?

 

Question : Comment mesurer la production d’un pays comme la Belgique au cours d’une année ?

 

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de définir l’unité de mesure, la méthode comptable et les limites de l’ensemble de la  production.

 

1.1 Quelle unité de mesure ?

Rien de plus simple s’il s’agit de mesurer la production d’une entreprise ou d’une économie entière ne produisant qu’un seul bien.

 

Par exemple : une entreprise A produit 50 tonnes de farine en 2005. Pour mesurer la production de cette entreprise, il suffit de considérer la quantité produite, soit, 50 tonnes.

 

Si toutes les entreprises de notre économie produisent de la farine, il suffit alors d’additionner les quantités produites en tonnes pour avoir une mesure de la production totale.

 

Un sérieux problème surgit lorsque l’on a une ou plusieurs entreprises produisant des biens différents. Pour mesurer la production totale, il faut « agréger » d’une façon ou d’une autre toutes les productions. Or cette agrégation ne va pas de soi comme le montre l’exemple suivant :

 

Par exemple : à côté de l’entreprise A, on a l’entreprise B qui produit 10 tonnes de pain. Quelle est alors la mesure de la production totale ?

 

On pourrait additionner les tonnes de chacune des deux productions soit 60 tonnes. Mais comme les biens sont différents, le tonnage total a peut-être un sens logistique mais n’a pas beaucoup de sens macroéconomique. En effet, cela supposerait que l’on valorise de la même manière 1 tonne de farine et 1 tonne de pain alors même que les agents économiques les valorisent peut-être différemment.

 

Pour pouvoir agréger toutes les productions individuelles afin d’obtenir une grandeur unique de la production totale (que l’on appelle un agrégat), il nous faut une unité de mesure commune pour toutes les productions.

 

Cette unité de mesure commune est l’unité monétaire. Dans notre exemple, on pourrait choisir l’euro. L’unité monétaire permet d’exprimer la structure des prix (l’ensemble des prix relatifs) de la production totale. C’est le marché, en révélant les demandes et offres pour chaque bien et service, qui donne la structure des prix. Ces prix permettent de connaître la valeur de chaque bien par rapport à la valeur de tous les autres. Le marché nous indique quel est le prix relatif entre la farine et le pain. Si une tonne de farine vaut 100 euros et la tonne de pain 1000 euros alors le prix relatif  farine/pain est de 1/10 (1 tonne de farine vaut 100 kilos de pain et non plus 1 tonne de farine vaut 1 tonne de pain comme précédemment). Je peux alors comparer la farine et le pain puisque je dispose d’une unité de mesure commune. La production totale est alors facile à mesurer : il s’agit de la valeur monétaire de cette production soit :

 

50 tonnes de farine × 100 euros + 10 tonnes de pain × 1 000 euros = 15 000 euros

 

Par conséquent, pour mesurer une quantité matérielle (production) on doit passer par une unité de valeur comme unité de mesure commune. Cela peut paraître bizarre a priori car, ce qui nous intéresse, c’est de posséder une maison, dix chemises ou vingt cannettes de bière mais pas la valeur de celles-ci. Néanmoins, comme ce sont des biens différents que nous, collectivement, nous ne valorisons pas de manière identique, la seule manière de les comparer est de passer par une unité de valeur comme unité de mesure.

 

 

1.2 Méthode comptable : production inscrite dans les comptes des entreprises ou valeur ajoutée ?

Soient une entreprise A produisant 50  tonnes de farine d’une valeur de 5 000 euros et une entreprise B produisant 10 tonnes de pain d’une valeur de 10 000 euros au cours de l’année 2005. L’entreprise B a acheté 20 tonnes de farine à l’entreprise A d’une valeur de 2 000 euros au cours de cette même année.

 

Si on s’en réfère aux comptes des deux entreprises, la production totale (addition des productions de l’entreprise A et de l’entreprise B) s’élève à 15 000 euros en 2005.

 

Est-ce vraiment la valeur de la production totale ? Réponse : NON

 

En effet, dans ce calcul issu des comptes des entreprises, on compte deux fois la production de 20 tonnes de farine d’une valeur de 2 000 euros : une première fois dans les comptes de l’entreprise A et une deuxième fois dans les comptes de l’entreprise B. Or ces 20 tonnes de farine n’ont été produites qu’une seule fois. Seulement, au lieu de rester une consommation finale (sortie définitive du processus de production)  elles sont devenues une consommation intermédiaire (utilisée dans le processus de production de B) pour l’entreprise B.

 

En fait, la production réelle de notre économie à deux entreprises est de 5 000 euros pour l’entreprise A et de 8 000 (= 10 000 – 2000) euros pour l’entreprise B. Production totale = 13 000 euros.

 

Pour éviter cette double comptabilité, on a retiré la consommation intermédiaire des comptes de l’entreprise B. En fait, on a seulement pris en compte la valeur ajoutée de l’entreprise B.

 

Remarque : si les entreprises A et B fusionnaient, alors la production de cette nouvelle firme serait de 30 tonnes de farine d’une valeur de 3 000 euros et 10 tonnes de pain d’une valeur de 10 000 euros. Production totale = 13 000 euros. L’entreprise a bien produit 50 tonnes de farine mais 20 tonnes n’ont pas été vendues sur le marché mais utilisé dans le processus de production du pain. Dans les comptes de l’entreprise, seules apparaissent les productions qui ont été l’objet de transactions c’est-à-dire l’équivalent de 13 000 euros. Comme il n’y a qu’une seule entreprise, il n’y a qu’un seul processus de production et donc il n’y a aucun risque de compter deux fois une même production.

 

Par conséquent, pour avoir une mesure adéquate de la production, il faut mesurer les valeurs ajoutées réalisées par les agents économiques productifs.

 

 

1.3 Périmètre de l’ensemble de production : quelles productions prend-on en compte ?

 

Sont prises en compte les productions des : entreprises, organisations non gouvernementales, administrations publiques et ménages.

 

S’il est facile de mesurer la production des entreprises puisque celles-ci doivent enregistrer toutes les transactions dans leurs comptes, il est beaucoup plus difficile de mesurer la production des administrations publiques et surtout des ménages pour lesquels il n’existe pas de trace comptable de toutes leurs transactions et de certaines de leurs productions.

 

Par exemple, la production domestique des ménages (cuisine, tâches ménagères, jardin potager, bricolage,…) n’est pas prise en compte dans le calcul de la production. En effet, en raison de l’absence de transaction et de trace comptable de cette production, il est impossible de la mesurer. On en fait donc abstraction. Cela revient à sous-estimer la production totale.

 

L’économie souterraine, par définition, est difficile à mesurer. On se contente d’estimations très approximatives qui peuvent sous-estimer comme surestimer la production totale.

 

Les services de police et autres services collectifs dont bénéficient tous les agents économiques sont comptabilisés deux fois : une première fois comme production des administrations publiques et une deuxième fois comme consommation intermédiaire dans les comptes des autres agents économiques. En effet, comme on ne sait pas évaluer le prix de ces services, on ne peut pas les soustraire de leurs comptes lors du calcul de la valeur ajoutée. On les compte donc deux fois ce qui revient à surestimer la production totale.

 

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, il est impossible de calculer exactement la production d’un pays. Le travail des statisticiens consiste donc à donner une estimation de la production d’un pays au cours d’une année.

Suite : Section 2